Conquis de haute lutte par la Russie tsariste au XIXe siècle, le Caucase a toujours représenté un enjeu économique et stratégique de taille, d'où les innombrables invasions, pillages et tentatives d'asservissement dont les royaumes situés sur ce territoire ont fait l'objet. Ces tentatives permanentes d'ingérence ont notamment valu à Tbilissi d'être détruite 27 fois, dont 8 fois par le seul Tamerlan.
Géographiquement parlant, il faut distinguer le Caucase Nord de la Transcaucasie. Le premier est situé sur le territoire de la fédération de Russie et compte une multitude de "républiques" aux nationalités très variées (Daguestan, Tchétchénie, Kabardie, Balkarie, Ingouchie, Tcherkessie...). La Transcaucasie, quant à elle, est formée de trois Etats : la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Cette zone géographique se trouve au carrefour des anciennes routes commerciales Occident-Orient (route de la Soie vers la Chine et route des épices vers l'Inde), et s'est trouvée à maintes reprises confrontée à des envahisseurs surgis d'au-delà des montagnes. La Géorgie n'a dû la survie de son identité, parfois fortement compromise par les occupants, qu'à une volonté farouche de préserver son indépendance, renforcée par une foi chrétienne à toute épreuve.
Grecs et Romains
Le territoire de l'actuelle Géorgie fut occupé dès le IIIe millénaire avant Jésus-Christ par des tribus indo-européennes non unifiées. Dès le VIe siècle avant notre ère, l'existence de deux royaumes est attestée par les écrits de divers auteurs grecs : on distingue l'Ibérie, ou Géorgie orientale, et Colchide, ou Géorgie occidentale. De cette époque semble dater le voyage de Jason et des argonautes, partis à la recherche de la toison d'or en Colchide. Des Grecs aux Russes en passant par les Perses, les Arabes et les Turcs, une succession de peuples vont ainsi occuper la Géorgie, lui laissant de très brèves périodes de paix. En ce sens, selon le Pr. Morland, "les annales de la Géorgie sont plus que celles de la Grèce antique et de Rome".
L'arrivée des grecs va favoriser le développement des relations commerciales dans les ports de la mer Noire. La Colchide connaît un essor économique notable et frappe même sa propre monnaie d'argent, le kolkhida. A la mort d'Alexandre le grand, les Romains, dont la puissance ne cesse de croître, vont faire stationner des troupes en Colchide. L'Ibérie, de son côté, est aux prises avec deux grandes puissances régionales : l'empire Perse et Byzance. Le roi Vakhtang Gorgassali ("tête de loup") fonde une nouvelle capitale, Tbilissi, et fait de Mtskheta la capitale religieuse du royaume ; mais il meurt avant d'avoir pu mener à bien son projet d'unification de la Géorgie.
A la signature du traité de paix entre la Perse et Byzance, l'Ibérie passe sous domination perse. Mais l'année 643 marque le début des incursions arabes en Transcaucasie.
Arabes et Turcs
Leur occupation, modérée et tolérante au début, va se faire plus répressive à l'entour du VIIIe siècle. Ces années d'oppression cuturelle et religieuse sont à l'origine de la naissance d'un sentiment très fort d'identité nationale. Marqué par de nombreux soulèvements (notamment en 829, 843 et 853), le IXe siècle est celui du début de l'affranchissement de la Géorgie. La défaite des armées arabes en 914 permettra aux rois Bagrat III, Guiorgui Ier et Bagrat IV de mener à bien le processus d'unification de la Géorgie, auquel l'Eglise chrétienne partcipera activement.
La montée en puissance des Turcs Seldjoukides menace toutefois le jeune état, envahi en 1073 par les armées de Malik Shah. Les seigneurs géorgiens (aznaouris) entrent aussi en rébellion contre le pouvoir, en profitant de la désorganisation générale. Mais les croisés, en détournant provisoirement l'attention des Turcs, permettront à David Armanischvili de réorganiser, réunifier et restructurer le pays. Avec la victoire de Didgori en 1121, où les troupes géorgiennes défont la coalition arabo-turco-persane, Tbilissi est reconquise après quatre siècles d'occupation.
Le règne de la reine Thamar Mépé, célébrée par Chota Roustavéli dans Le chevalier à la peau de panthère, marque l'entrée du royaume sur la scène internationale. La Géorgie s'étend bien au-delà de ses frontières actuelles, compte 12 millions d'habitants (5,5 aujourd'hui), et entretient des relations commerciales avec le Proche-Orient et l'Europe. Le pays est une étape obligatoire pour toute caravane vers l'Orient. La construction d'académies au sein de monastères témoigne d'une renaissance culturelle et religieuse sans précédent. Les maîtres en émaux cloisonnés, en orfèvrerie, en toreutique, sont au sommet de leur art. Cette brève période d'indépendance est interrompue par l'arrivée des hordes mongoles, dont l'occupation va grandement éprouver la nation géorgienne.
Mongols et Perses
En 1221, Tbilissi est à nouveau incendiée et les persécutions religieuses prennent une ampleur jamais égalée. Malgré les efforts du roi Guiorgui IV, dit "le brillant", qui réussit temporairement à réunifier les terres géorgiennes (1334), le joug tartare reprend de plus belle sous le commandement de Tamerlan. A la mort de ce dernier, en 1404, les empires perse et ottoman vont s'affronter sur le territoire géorgien, décidément objet de toutes les convoitises. La paix signée en 1553 entraîne le démembrement du royaume, et l'avènement de shah Abbas sur le trône de Perse rend dramatique la situation de la Géorgie orientale : pillages, déportations et massacres se multiplient. Toutefois, la victoire de Marabda sur les Perses annonce la renaissance d'un mouvement de résistance nationale : le roi Vakhtang VI, homme d'état, poète et traducteur, est l'initiateur des "Annales géorgiennes", qui relatent l'histoire de la Géorgie et recensent ses traditions orales.
Malgré un redémarrage économique notable, l'avenir du royaume reste très incertain, ce qui le pousse à sceller des alliances à l'étranger. Le moine écrivain Orbéliani est envoyé comme émissaire auprès du roi-soleil puis du pape Clément XI en 1714. Le non-aboutissement de ces démarches va pousser la Géorgie à se tourner, pour la première fois de son histoire, vers son puissant voisin du nord.
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moderne de la Géorgie.
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Jason et les argonautes
C'est une des légendes grecques les moins archaïques. Pélias met à l'épreuve Jason de conquérir en Colchide un vêtement merveilleux, la Toison d'Or. L'expédition se fait sur l'Argo, un navire à cinquante rames sur lequel Jason réunit la fine fleur des héros de la Grèce. Remontant la rivière Phasis, ils triomphent de rudes épreuves imposées par Aetès, roi d'Aïa, grâce à Médée, fille de ce dernier et magicienne, qui indique à Jason le moyen de venir à bout des dragons et autres monstres sur le passage. Retour triomphal des grecs avec la Toison et Médée. Ce mythe récent permet d'établir avec certitude que des relations commerciales suivies existaient entre les hellènes et certains peuples de la Géorgie occidentale.
Il est à noter que la toison d'or est, plus qu'un trésor, un savoir-faire : celui du travail du métal, de la terre et du vin. C'est en effet également en Géorgie que Prométhée a été condamné par les dieux sur une montagne du Haut-Caucase, et à s'y faire dévorer perpétuellement le foie par des vautours, pour avoir livré aux hommes le secret du feu.
Histoire antique de la Géorgie