Chroniques

n°1 - Cybertrucs
n°2 - Nucléaire, Corses
n°3 - Pornographies

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Chroniques de Prešov - n° 0
Le pourquoi du comment et verse viça


Faut bien commencer par parler de ma vie : j'habite dans un pays pauvre d'Europe Centrale depuis plus de trois mois, et n'y exerce aucune espèce d'activité économique. Cette longue période de chômage en terre étrangère, des lectures, des rencontres bonnes ou mauvaises, l'avancée dans ma vie d'homme, et sûrement d'autres raisons, m'ont conduit à me radicaliser. C'est-à-dire que, simplement, je me donne de plus en plus raison lorsque je ressens de la tristesse, du dégoût ou de la colère envers le monde dans lequel on essaie de nous faire vivre. Conséquemment, je m'éloigne peu à peu des positions politiques d'individualisme petit-bourgeois qui ont été, avec peu de variation, les miennes jusqu'à présent.
Ainsi, plutôt que de continuer à faire un usage négatif de ma liberté (que je définirai dans une perspective existentialiste, lapidairement et sans aller trop avant dans la discrimination conceptuelle : soit comme une possibilité de choix existante et devant être saisie dans la conscience individuelle pour être), j'aimerais me faire porteur d'un projet positif. Donc, ma priorité dans la vie cesse dorénavant de consister en un hédonisme mollasson, c'est-à-dire en un relatif encrapulage de mes mœurs avec la bénédiction de cette société " tolérante " ; je vais en revanche chercher, pour moi et avec ceux que ça intéresse, à développer ou contribuer au développement d'autres moyens de subsistance que l'exclusif service du dieu Marché et de son prophète Profit.
Bon, c'est bien beau de causer d'autoproduction alternative antimondialiste tout ça, mais qu'est-ce que tu veux faire en pratique, gars ? Ben, justement, je n'en sais foutre rien. Je me sens au tout début de quelque chose ; j'ai, jusqu'ici, toujours agi seul et pour mon propre compte, et n'ai pas nécessairement la vision assez large pour savoir par où commencer. En gros, comme beaucoup de ceux que je connais, je ne sais pas vraiment pour quoi je suis, mais je sais bien précisément contre quoi je suis. Autant commencer par là, ne serait-ce que parce que pousser un bon coup de gueule de temps à autre, ça fait du bien.
Et voilà donc la raison d'être de ces envois, qui seront sûrement assez réguliers (genre deux fois par mois, chaipas) : je voudrais parler des choses qui me tiennent à cœur en en faisant profiter ceux que j'aime. Il s'agira évidemment, le plus souvent, du problème qui m'est fondamental, soit des rapports entre l'individu et la collectivité ; mais vous entendrez aussi parler de géopolitique, de musique, de littérature ou d'autres thèmes encore à déterminer. Malgré le risque de ne prêcher qu'à des convertis, ça me semble une base assez cohérente et concrète pour une éventuelle action future critique et po-po-politique.
Il n'y a, bien entendu, aucune espèce de copyright sur ces écrits ; vous êtes libres de les utiliser de la manière que vous jugez bonne, voire de les transmettre à qui vous voulez ; s'ils vous ennuient ou dérangent, il vous suffit de répondre en me le laissant savoir et j'en arrêterai la diffusion auprès de vous ; même si je cherche a priori à me documenter un peu sur les sujets que j'aborde, je peux très bien faire des erreurs ou inexactitudes, et il serait bon de me les signaler ; d'ailleurs, ne voulant pas vous assommer avec une liste interminable de sources, je n'en donne aucune, mais les citerai sur demande ; enfin et surtout, malgré un ton appelé à être parfois véhément, je cherche plus à échanger des idées qu'à les imposer, et toute réaction, suggestion, absolution, vasoconstriction est bien évidemment la bienvenue.
Ma prose vous parvient sous la forme de fichiers RTF, lisibles a priori par n'importe quel éditeur de texte un peu évolué. Je peux aussi envoyer en texte seul, pdf, Word, Star Office, salade-oignon-tomate, ketchup-mayonnaise-piment-sauce, suffit de demander.

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Chroniques de Prešov n°1
Cybertrucs et surveillance technologique

On vit à une époque où on entend pas mal parler de cybertrucs : cyberculture, cybercafés, cybernautes du cyberespace, cybernétique et cybernéticiens, ou plus récemment cybercriminalité et cyberterrorisme. On se demande un peu, à force, ce que ça veut vraiment dire. Journalistes et politiciens mettent-ils le préfixe " cyber " à toutes les sauces par pur opportunisme lexical, histoire de moderniser un brin leur lexique trop systématiquement poussiéreux, pompeux et à peu près totalement vide de sens ? Ou en font-ils usage en parfaite connaissance de cause ? Je pense qu'il faut privilégier la deuxième hypothèse : en effet, le mot anglais cybernetics (première occurrence en 1834) dérive du grec kubernêtike, issu du verbe kubernan. Ca ne vous rappelle rien ? En latin, ça a donné gubernare, eh oui, " gouverner ". La cybernétique, c'est la science du gouvernement par les machines, comme est prêt à nous le dire tout dictionnaire un tant soit peu honnête. Il faut donc, lorsque l'on réfléchit à ce que l'on nomme (d'une manière très floue) les nouvelles technologies, considérer qu'il s'agit avant tout de servir et protéger ceux qui exercent le pouvoir, c'est-à-dire, en dernière analyse, de surveiller et punir (merci Foucault d'avoir réuni ces verbes, qui vont ensemble comme Michelle et ma belle). Je voudrais essayer, avec les maigres informations dont je dispose, d'examiner quelques-uns des moyens que se sont donnés nos bien-aimés dirigeants.
De fait, les dernières années ont vu se développer tout un arsenal de techniques de surveillance, qui font souvent appel à la technologie pour parvenir à leurs fins. Quelques exemples au hasard : les lunettes infrarouge pour vision nocturne ; le microphone parabolique, qui permet de détecter des conversations à plus d'un kilomètre de distance ; sa version laser, capable de surprendre n'importe quels propos derrière une fenêtre fermée dans la ligne de mire ; la caméra stroboscopique danoise Jai, qui prend des centaines de photos en quelques secondes et photographie individuellement tous les participants d'une manifestation ou d'un défilé ; ou encore les systèmes de reconnaissance automatique de véhicules, capables de suivre des automobiles à travers les rues d'une ville via un système informatique géographique. Toutes ces merveilles, seulement surpassées en beauté par un canon 16 mm ou une mine antipersonnel à dissémination horizontale, peuvent certes être d'utilité pour suivre précisément les activités forcément subversives, dangereuses et antisociales des militants des droits de l'homme, journalistes engagés, responsables étudiants, représentants ou simples membres de minorités, leaders syndicaux, dissidents & insoumis, délinquants & drogués, révoltés, réfractaires & rebelles, séditieux & mutins, autogérés & autonomistes temporaires, en bref de toute personne pouvant être perçue comme s'opposant d'une quelconque manière à la très égalitaire et démocratique marche du monde ; elles font cependant figure de gadgets ridicules à côté des dispositifs développés à grande échelle au cours des années 90 par ces grands progressistes étasuniens que sont les agents du FBI ou de la NSA, genre Echelon, Carnivore ou plus récemment Lanterne Magique.
[NB : je précise tout de suite que j'ai assez entendu parler de " l'effet 11 septembre ". C'est une évidence par trop niaise qu'un tel événement sert les intérêts sécuritaires des nations, et je préfère n'en rien dire].


Echelon

Ca, c'est vraiment bandant, mettre l'ensemble des ressources offertes par la technologie au service d'un système d'interception et de contrôle des communications & mouvements & opinions de toute la planète (je dis ça parce que je pense comme Orwell que la liberté de pensée n'existe que si on dispose de celle d'expression), tisser un vaste filet aux mailles bien resserrées qui ne laisse rien passer de ce qui voudrait exister dans sa différence.
Le fonctionnement d'Echelon est au fond assez simple : les Etats-Unis ayant une maîtrise de l'espace orbital terrestre équivalente à celle des installations nucléaires à la surface du globe (eh oui, il y a par exemple deux autres télescopes US du type Hubble au-dessus de nos gueules, mais ils sont militaires, tournés vers nous, et destinés à la noble mission du Renseignement), ils se servent de leur dense et puissant réseau satellitaire pour intercepter l'ensemble des communications par téléphone, fax ou mail. 120 satellites espions s'occupent du captage atmosphérique, tandis que quelques sous-marins vont tranquillement et joyeusement mettre en place des " bagues " sur les câbles sous l'océan, en fait des manchons équipés de bobines qui captent le champ magnétique émis à l'intérieur. Les informations interceptées sont transmises à quelques dizaines d'ordinateurs Super Cray, qui les décryptent, les traduisent, les filtrent à l'aide de dictionnaires de mots-clés, puis les soumettent à une analyse sémantique poussée (et je sais, pour y avoir touché un peu, que si on a fait une bonne modélisation linguistique au départ et qu'on dispose d'une puissance de calcul suffisante, on peut obtenir ainsi des résultats assez époustouflants). Les surveillants des services secrets n'ont plus qu'à sélectionner les messages " intéressants " présélectionnés, et à les envoyer au gouvernement étasunien, qui à son tour pourra les transmettre à certaines entreprises.
C'est donc tout bénef pour patrons et politiciens étasuniens, les uns disposant par procuration d'un excellent outil d'espionnage industriel (par exemple Thomson a perdu un marché de 1,4 milliards de dollars de radars pour les brésiliens au profit de l'étasunien Raytheon, et Airbus s'est fait souffler par Boeing des contrats d'avions saoudiens), et les autres d'une très bonne monnaie d'échange avec les industriels ou les autres gouvernements (la France par exemple ferme sa gueule vu que, grâce à Echelon, elle a bénéficié d'informations sur les meurtriers de l'ancien premier ministre iranien Chapour Bakhtiar) autant que du plus efficace biais de surveillance jamais conçu. Et là où c'est bien marrant, c'est que, si le centre de traitement des données, qui emploie quand même 38000 personnes, est en Virginie, un maillon essentiel du réseau se situe à Cheltenham (UK), et que des relais sont installés un peu partout au Canada, en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle Zélande, mais aussi au Japon ou en Arabie Saoudite par exemple, l'espionnage allant évidemment de pair avec la présence de troupes au sol. Soit dit en passant, c'est pas ça qui les a fait attraper Ben Laden, hein. Mais peut-être n'ont-ils pas vraiment intérêt à le faire ? On a encore, dans ce cas, un exemple de situation où l'intérêt économique et occulte (exploitation pétrolifère au Kazakhstan, pipe-line d'Ouzbékistan) prime sur l'intérêt (si j'ose dire) humain et affiché (recherche et capture d'un désigné commanditaire d'attentats antioccidentaux).
Mais nous dérivons un peu. Histoire de pas pousser trop la parano, je dirais quand même que la portée d'Echelon est fatalement limitée par la croissance exponentielle de la circulation d'information sur le Réseau (je crois avoir lu qu'au cours de l'année 2000, l'échange d'information sur Internet avait été équivalent à 2 exaoctets de données, dont 1 de redondantes ou inutiles).
En tout état de cause, comme la riposte à Echelon n'est décidément pas à attendre du côté gouvernementalo-institutionnel, il me semble que les individus peuvent déjà lui compliquer un peu la tâche. Vous avez dû recevoir ce mail avec 12000 mots-clés susceptibles d'être chopés par lui, qu'il fallait envoyer un peu partout à l'occasion du " jam Echelon day ", dont l'efficacité fut à mon avis aussi grande que la fameuse et fausse pétition pour les femmes afghanes, les prétendus activistes à la base de cette si ingénieuse initiative n'ayant pas pensé une seconde qu'un système de plusieurs milliers de billions de milliards de kopecks comme celui-ci disposait de maintes protections très sophistiquées contre ce genre d'attaque.
Pour ma part, n'ayant évidemment que très peu envie qu'un amerloque de mes couilles vienne renifler ma prose ou écouter mes déclarations téléphoniques, je songe plutôt, malgré la ridicule interdiction de la loi française, à crypter mes échanges électroniques avec une clé de 128 bits, et à faire de même si réalisable pour le téléphone en utilisant la téléphonie IP, qui est appelée à se développer. Je tiendrai au courant ceux que ça intéresse.

Lanterne Magique

Autre fructueuse réalisation de nos amis étasuniens, décidément bien motivés pour l'obtention d'un troisième Big Brother Award, le système " Lanterne Magique ". Il s'agit cette fois-ci de t'espionner directos chez toi, à l'aide d'un espion de clavier (je crois qu'on appelle ça, en France, la " téléperquisition ", ou autre néologisme foireux recouvrant le hacking légal). Ca consiste en somme en l'usage d'une technique de cyberdélinquant (nous y revoilà !) qui consiste à pouvoir suivre en direct ou en différé les saisies effectuées sur le clavier, ceci à l'aide d'un " sniffeur " qui interceptera celles-ci et les enverra par le biais du réseau au surveillant, bien pépère dans son bureau. On peut choper comme ça, disons, tiens, au hasard, le mot de passe administrateur de la machine…
Et un juge du New Jersey nommé Nicholas Politan (ce nom !) vient de statuer (10 janvier) qu'il était constitutionnellement tout à fait correct et justifié que le FBI utilise un pareil système pour surveiller les activités électroniques d'un quelconque citoyen suspect. Le contenu des informations ainsi interceptées est alors classé sous l'étiquette " sécurité nationale ", et on n'en peut plus rien savoir. Décision rendue au cours du procès d'un petit mafieux de Las Vegas nommé Scarfo, accusé d'avoir ourdi des paris illégaux, qui protégeait ses fichiers et ses mails avec le logiciel de chiffrement Pretty Good Privacy, et voulait savoir (normal) ce que les gouvernementaux avaient fabriqué dans sa machine et avec ses données.
C'est là un exemple à suivre pour les démocraties à la recherche de sécurité, et le gouvernement français a fait preuve de laxisme en n'intégrant pas pareille disposition à la Loi de Sécurité Quotidienne, loi beaucoup trop tolérante d'ailleurs. Les resquilleurs de train, par exemple, eh ben moi je te dis Gaston, y faut les passer à la guillotine. Et puis pourquoi est-ce qu'on ne castrerait pas les drogués, comme ça ils ne pourraient plus se reproduire et on vivrait dans une société propre. Allez remettez-moi ça. (…)
Enfin bon, les écoutes présidentielles de Mitterrand (entre autres) ont bien montré que l'autorité se torche avec la loi. Je préconiserais donc d'écrire ses lettres d'amour, brûlots politiques et récits de traumatismes sur papier vélin surfin et de les détruire aussitôt par le feu, ce qui n'est qu'une solution transitoire en attendant la mise au point du reconstitueur moléculaire. C'est presque drôle parfois comme des gens comme Kafka et Orwell, qui étaient persuadés de n'écrire que leurs plus noirs et irréalistes fantasmes, finissent par acquérir une stature de prophète…

La biométrie

En plus de te reprocher les opinions antisociales contenues dans ta correspondance, on pourra bientôt te choper rien qu'à partir de ta gueule. En effet, une autre technique de surveillance bien jouissive dont on entend de plus en plus parler, c'est la biométrie. Quand une espèce est en voie de disparition, il arrive que des biologistes en capturent certains spécimens et les baguent pour les suivre à la trace. Eh bien, la biométrie, c'est la même chose pour l'homme, mais à partir du seul signalement anthropométrique.
C'est encore assez foireux, vu l'épisode du Superbowl de Tampa (en Floride, devinez dans quel pays…) : les autorités étasuniennes ont tenté de capturer des criminels en fuite en installant des dispositifs de reconnaissance faciale à l'entrée, et en comparant les tronches de beaufs qui défilaient avec un fichier de 30000 (trente mille) personnes, prétendument composé uniquement de criminels (d'ailleurs, quand bien même il l'eut été, qu'est-ce que ça aurait changé). L'American Civil Liberties Union a réussi, à force de lobbying, à se procurer les résultats de l'expérience :système déficient, erreurs d'identification, aucune arrestation. Mais, dans la même ville, le même genre de dispositif continue à tourner, et je suppose à se perfectionner, dans le centre commercial Ybor.
Le problème n'est d'ailleurs pas seulement dans l'usage institutionnel de ce genre de saloperies (la vidéosurveillance systématique est un fait dans toutes les villes françaises depuis longtemps, sans que personne ne s'en plaigne autrement que mollement et sur le plan des principes). Il réside surtout dans la commercialisation qui en est faite. Je crois en effet qu'un développement toujours plus grand des technologies en émergence est inexorable : ne résistons pas au plaisir de citer encore une fois cet éminent professeur d'Oxford qui prétendait, en 1878, que " une fois l'exposition de Paris terminée, la lumière électrique s'éteindra en même temps et on n'en entendra plus parler " ; ni à celui de rappeler les propos visionnaires du président d'IBM, qui, en 1943, considérait qu'il existait " un marché mondial pour cinq ordinateurs " (sa compagnie n'ayant en revanche pas manqué de se positionner comme leader sur le marché en pleine expansion des camps de concentration) ; et chacun a pu ouïr des antitechnoïdes pour qui la mort de telle ou telle technologie est imminente. Cependant, l'histoire nous enseigne qu'une technologie, une fois commercialisée, est appelée à rencontrer un grand succès commercial.
J'aimerais d'ailleurs être assez sociologue pour pouvoir commencer à expliquer pourquoi les technologies de surveillance se développent à ce point, alors que la criminalité est à la baisse dans presque tous les pays. C'est trop facile de parler de sentiment d'insécurité. On connaît tous une histoire comme celle de la vieille dame qui achète une microcaméra de surveillance ultrasophistiquée pour savoir qui marche sur les fleurs de son jardin, mais le désir de surveiller ne peut être seulement lié à celui de protéger ses biens et possessions. Je crois qu'on en arrive assez vite à la volonté de punir, de tirer pouvoir et avantage de son contrôle sur autrui. Pouvoir dire " je t'ai vu ", " je sais que tu fais ça " ou " je t'ai suivi à la trace " devient plus fondamental que de prendre le temps de discuter ; posséder l'information pour soi seul, l'obtenir par des moyens technologiques est préférable à l'acquérir par le dialogue et l'échange. L'arsenal de dispositifs de reconnaissance biométrique qui est en déploiement commercial préfigure un monde où chacun peut se prendre pour Big Brother. Exactement Paranoid Android.

Mouchards

J'ai appris avec pas mal de stupéfaction le prochain projet de cette si respectable, novatrice et ingénieuse institution qu'est la banque européenne. Ces autorités éclairées envisagent de doter d'ici à 2005 chaque billet de 200 euros et plus d'un identifiant électronique par radiofréquence.
Electronéquence par radiofric, keskecé dira-t-on. Il s'agit tout simplement d'implanter aux billets un semi-conducteur flexible émettant un signal en radio fréquence, exactement comme les autocollants tellement chiants à enlever sans se faire capter par les vigiles sur les CD et DVD à la FNAC. Le semi-conducteur en question contiendra, évidemment, un numéro de série, mais aussi d'autres informations captées par divers dispositifs "récepteurs", et on évoque la possibilité qu'il soit réinscriptible, sans que l'on sache quelles autres informations ou données il pourrait contenir. Les firmes Philips et Infineon admettent être au courant de ces grands et utiles projets, mais n'en disent pas plus, devoir de réserve oblige.
Produit en masse, ce dispositif d'euro-mouchard reviendrait à environ 0,25 €, ce qui limite a priori son utilisation aux grosses coupures. Parce qu'il s'agit avant tout de jouer les indics pour notre euro électrofréquanique ; bien sûr, les risques de contrefaçon seront encore réduits, on pourra compter une liasse sans la toucher avec des récepteurs-calculateurs réglés sur la fréquence du truc, gna gna gna gna gna gna ; mais la toute première possibilité offerte par ce système est celle d'un contrôle abusif de toutes les transactions. On peut très bien imaginer que les douaniers/flics/gendarmes apprennent du billet n° 34986GDU9543FI retrouvé sur mon dealer de champis que celui-ci a été retiré par Mr Julien Guillaume, né le 16/10/1979, au guichet de la Poste-Cathédrale à Strasbourg il y a deux jours, trois heures et vingt-huit minutes, casier judiciaire vierge, il a les yeux bruns et de l'acné, d'ailleurs bip bip il habite juste là au-dessus, son rythme cardiaque m'indique qu'il roupille, vous pouvez le cueillir en douceur.
Et j'imagine bien que ce projet de billet de banque mouchard ne se limitera en aucune sorte à l'euro, qu'on doit bien pouvoir intégrer ce genre de dispositifs à n'importe quelle autre monnaie ou carte ou même corps humain : après toute condamnation, mise en place d'un émetteur sous-cutané provoquant la désintégration si passage dans une zone interdite aux délinquants, ce genre de mauvaise SF n'est plus un fantasme lointain.


Voilà, en dernière analyse, le vrai sens du cybertruc : il s'agit pour les dirigeants (économiques ou politiques, là n'est pas la question), en s'appropriant une technologie, de s'en réserver les applications les plus restrictives pour les libertés publiques, puis, en en permettant et contrôlant la commercialisation, d'en provoquer la sécularisation. Aujourd'hui, il est normal d'utiliser un ordinateur : pourquoi les gouvernements devraient-ils se priver de l'outil informatique pour le contrôle des populations, qu'ils ont toujours pratiqué ? Il est très admissible de mettre une caméra à sa porte d'entrée pour identifier la personne à qui l'on permet de pénétrer dans sa propriété : pourquoi ne filmerait-on pas en permanence les moindres déplacements des gens dans les espaces publics, à l'extérieur comme à l'intérieur ? Tout cela est normal, c'est-à-dire que tous le tolèrent. Et mérité : on ne subit jamais que ce que l'on trouve tolérable - idée sur laquelle je reviendrai.
Mais - et c'est la question à laquelle je réfléchis le plus ces temps-ci - est-ce que la définition d'une norme en matière de surveillance doit forcément aller en se renforçant ? Est-ce que nous sommes encore prêts, " pour notre sécurité ", à accepter plus de fichages, contrôles, répressions et humiliations ? Est-ce qu'un renversement dans l'évaluation des besoins de renseignement peut se produire de part ou d'autre ? Et sinon, peut-on définir une limite au développement des politiques de surveillance, et à leur usage des toujours plus efficients moyens technologiques ? En fait, sommes-nous dans un temps de progrès ou de régression ?

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Les chroniques de Prešov - n°2
Corses, nucléaire et otages


Je ne sais pas si vous avez vu l'excellent dessin de Plantu dans Le Monde, intitulé " les 500 signatures de Charles Pasqua " et représentant le Corse matois poursuivi par une nuée de magistrats brandissant des convocations judiciaires. En plus d'être savoureusement ironique quant aux prétentions présidentialo-souverainistes dudit septuagénaire (jusque dans les rangs duquel le flic Chevènement s'en vient d'ailleurs recruter des lansquenets et sous-fifres répupuploploblicains : tremblez, sauvageons !), l'image nous rappelle à point nommé l'hallucinant nombre de casseroles que traîne Pasqua derrière lui. En quelques années d'exercice au ministère de l'intérieur, il a en effet réussi à se commettre de toutes les manières imaginables en Afrique (Elf), en Asie (frégates de Taiwan) ou en France même (les comptes du RPF, parti fondé peu après son départ) ; mais c'est plutôt à son passé plus lointain et à sa brillante action géopolitique au Moyen-Orient, à savoir la bien belle histoire de la libération des otages libanais, que je voudrais m'intéresser aujourd'hui. Cette affaire, exhumée récemment et avec force détails par la presse, me semble éloquente à plusieurs points de vue.


Corseries

D'abord, parce qu'elle montre bien la mainmise des Corses sur la plupart des barbouzeries commises sous nos latitudes ou dans nos colonies économiques. Pasqua et affidés, Marchiani and co, Falcone et son réseau (pour ne parler que d'eux) ont en effet rendu moult menus services à la République, qui les a bien payés en retour : c'est un fait remarquable qu'il y a, jusqu'à Jospin II et le départ de Zuccarelli, toujours eu un Corse au gouvernement, quelle qu'en soit l'orientation politique (et souvent à un poste-clé) ; la division de " l'île de beauté " en deux départements, qui est une totale absurdité d'un point de vue administratif, permet opportunément un dédoublement des magouilles préfectorales (marchés publics truqués, trafic d'influence sur cadastre, pots-de-vin et détournements divers) ; quant aux mannes que représentent les subventions non seulement nationales mais aussi européennes à l'agriculture, au développement ou à la décentralisation, elles me semblent particulièrement mises à profit outre-côte d'Azur (Ajaccio a besoin d'un quatorzième lycée, mon troupeau de moutons a quintuplé de taille en un an et demi, construisons une belle clinique pour vieux à Bastia, le maire du village a de vastes projets de développement de l'irrigation des chataîgners de la colline d'à côté, etc).
On opposera sûrement à ces faits la prétendue lutte des " militants indépendantistes ", modernes hérauts du combat contre l'Etat jacobin-répressif-centralisateur ; mais bon, c'est clair qu'il y a tout de même un beau gâteau à se partager, et si, avec une dizaine de potes, on en veut nous aussi une belle part, il est assez pertinent de parader en paramilitaires cagoulés, Uzi en bandoulière, devant une troupe journalistique convoquée dans le maquis ad hoc ; les revendications exprimées à cette occasion n'ayant d'ailleurs pas besoin de dépasser le stade du bidon (l'enseignement du corse, vague succédané d'italien ; le regroupement des " prisonniers politiques " qui sont pour la grande majorité d'entre eux des truands sans engagement d'aucune sorte ; le leitmotiv de l'amnistie, dont on sait pertinemment qu'elle ne concernera, comme d'hab, que les chefs de bande, c'est-à-dire Talamoni et pas le poseur de plastic de base, ou le préfet et pas le gendarme ; ou encore la dévolution de plus de pouvoirs et d'autonomie à la Corse, qui ne serait qu'une vague terre gaste sans les aides de toute sorte dont il était question plus haut). Et il ne me semble pas particulièrement étrange que les médias ne relayent que les discours de ceux-là, qui me paraissent ne représenter qu'eux-mêmes, une minorité de minorité qui crée une " zone de non-droit " étant quand même un thème nettement plus vendeur que la lassitude ou l'indifférence des autres insulaires.
Notons que je ne reproche au fond rien à ces pragmatiques nationalistes (disons plutôt, à ces efficaces individualistes), bien au contraire, il me semble que j'agirais exactement de la même manière à leur place. S'il me suffisait, pour que l'autorité républicaine chie dans son froc et finance très largement mon autonomie et mon épanouissement personnels, de me la jouer un peu ribellu avec les potes dans nos costumes moulants de maquisards, puis de faire exploser l'une ou l'autre gendarmerie avant de publier deux ou trois communiqués vengeurs sous une appellation baroque, pourquoi m'en priverais-je ? Travellers et teufeurs, faites des stages intensifs de TAZ subventionnée en Corse.

Autre conséquence intéressante dudit feuilleton de Beyrouth, où le vilain RPR fit moult déloyales surenchères sur la vertueuse action de l'ambassadeur Rouleau, un rappel opportun de la situation internationale du point de vue du Nucléaire. On se rappelle tous, en effet, les tronches de " nos camarades détenus depuis 453 jours dans les geôles libanaises ", à chaque journal télévisé dans la première moitié des années 80 ; mais ce qu'on n'a jamais vraiment su, c'est pourquoi diable les Marcels (Carton et Fontaine) avaient été enlevés par le Hezbollah. Après tout, ces éminents membres de la représentation française ne faisaient que servir leur pays, c'est-à-dire pratiquer l'usuel lobbying diplomatico-militaire en Liban/Syrie ! Il y a en fait là-dessous une piquante affaire d'atome.


L'atome, sa vie, son œuvre

(Cette partie est un peu du copier/coller, mais il m'a semblé opportun d'insérer ces rappels pour ceux qui, comme moi, manquent de culture scientifique).
Mais - d'abord - l'atome, qu'est-ce que c'est ? C'est ce qui constitue universellement la matière physique, vivante ou inanimée, solide, liquide ou gazeuse. Les atomes sont eux-mêmes, on le sait, constitués de particules élémentaires : les protons et les neutrons, qui forment ensemble le noyau de l'atome, et les électrons, qui gravitent autour du noyau. L'énergie nucléaire, qui est ce qui nous intéresse ici, est produite à partie des particules composant le noyau des atomes. Neutrons et protons existent en nombre variable dans les noyaux des atomes. Le noyau le plus simple, l'atome d'hydrogène, est constitué d'un seul proton. Le noyau de l'atome d'oxygène est plus complexe : il comprend 8 protons et 8 neutrons. Le noyau de l'atome d'uranium est celui qui contient le plus grand nombre de particules : 92 protons et 143 ou 146 neutrons. Une énergie prodigieuse, appelée énergie de liaison, assure la cohésion des particules du noyau. Une partie de cette énergie peut être libérée quand le noyau subit une fission, c'est à dire quand on projette sur lui un neutron qui le fait éclater en deux. On obtient alors deux noyaux plus petits, qui ont une énergie de liaison supérieure à celle du noyau initial.
L'énergie mise en jeu au cours de la réaction nucléaire n'est autre que la différence entre les énergies de liaison des noyaux avant et après la réaction. Lors du choc d'un neutron sur un noyau, trois phénomènes peuvent se produire :
- un choc élastique : les particules rebondissent l'une sur l'autre sans produire de réaction nucléaire ;
- une capture du neutron par le noyau : ce phénomène n'a pas d'utilité pour la production d'énergie ;
- une fission du noyau, accompagnée d'un important dégagement de chaleur.
Tous les noyaux ne sont pas susceptibles de subir la fission. Dans la nature, un seul noyau est ainsi capable de se casser en deux en libérant de l'énergie : c'est le noyau d'uranium 235, et à cause de ça, on l'appelle fissile. Quand un neutron rencontre un noyau d'U 235 fissile (tra-la-la), le noyau se trouve déséquilibré et se coupe en deux morceaux appelés produits de fission.
Au moment du choc avec le neutron, ces produits de fission sont éjectés à grande vitesse. Leurs ralentissement progressif dégage une chaleur intense. C'est cette chaleur qui est récupérée par le fluide caloporteur dans une centrale nucléaire. La production d'électricité dans la centrale nucléaire suppose que la réaction de fission puisse s'entretenir et produire un dégagement permanent d'énergie : il faut que les neutrons libérés lors de la fission puissent aller frapper à leur tour d'autres noyaux fissiles, suivant le processus de la réaction en chaîne.
Or, la probabilité pour que les neutrons libérés rencontrent d'autres atomes fissiles est très faible :
- d'abord, parce que la proportion de noyaux fissiles dans l'uranium naturel n'est que de 0,7% ;
- ensuite, parce-que la vitesse des neutrons libérés par la fission est de 20 000 km/s, et qu'à cette vitesse, leur chance de provoquer la fission d'un noyau est très faible.
Deux procédés sont utilisés pour augmenter les chances de rencontre des noyaux fissiles par les neutrons, à savoir l'enrichissement de l'uranium naturel en U 235 fissile, et le ralentissement des neutrons, par une substance qui a la propriété de réduire leur vitesse sans les absorber : le modérateur. Le fluide caloporteur, quant à lui, transmet la chaleur produite dans le réacteur en même temps qu'il assure son refroidissement. La combinaison du modérateur, du combustible et du caloporteur suffit à définir ce que l'on appelle une filière nucléaire.
Les premières centrales nucléaires construites en France entre 1956 et 1969 (Marcoule, Saint-Laurent des Eaux, Chinon, le Bugey) faisaient partie de la filière dite " UNGG " (Uranium naturel comme combustible, Graphite comme modérateur, Gaz carbonique ou hélium comme caloporteur).


Nucléaire : la voix de son maître

Et c'est là que le bât blesse : on nous a bien fait rentrer dans la tête, à l'école, le mythe de l'indépendance énergétique et stratégique française, comme quoi le Général, grand homme d'Etat (cf. ses innombrables et immondes hagiographies parues dans le courant des années 90), avait contribué à faire de la France une grande Nation sur l'échiquier international en impulsant le programme de recherche qui la dota de l'arme nucléaire en même temps que de centrales qui en cas de guerre gnagnagna ; si bien qu'une grande majorité des gens reste persuadée que l'on siège au conseil de sécurité de l'ONU par la seule grâce de nos brillants politiciens et ingénieux ingénieurs atomistes. Las ! Le mythe, une fois de plus, ne résiste pas à l'examen des faits.
En effet, les réacteurs nucléaires de cette fameuse filière UNGG ont commencé par être développés expérimentalement aux Etats-Unis en 1946. Ce qui suffit, pour commencer, à démonter un des plus gros mensonges de la propagande canonique du lobby nucléaire, comme quoi le nucléaire civil serait absolument distinct du nucléaire militaire (EDF affirme encore aujourd'hui que " ça n'a rien à voir ") - mais si, dans une centrale, on peut produire de l'énergie à partir d'un vague trafic des forces constitutives de la matière, pourquoi ne pas utiliser ces mêmes forces pour la destruction massive d'êtres humains ? C'est hélas le raisonnement inverse qui a prévalu, et on a attendu les centaines de milliers de morts de Hiroshima et de Nagasaki pour se dire que le principe de la fission atomique pouvait être appliqué à la production d'énergie. Ainsi, le CEA français, dont la mission est de promouvoir l'usage du nucléaire dans les sciences, l'industrie et la " Défense " (appellation qui m'a toujours fait marrer), n'a été créé qu'en 1945 (tiens !), alors que c'est un gars de chez nous, Becquerel, qui a mis en évidence le phénomène de la radioactivité en 1896. Mais c'est une autre histoire.
Le réacteur de nos jolies centrales UNGG est donc expérimenté quelque part au fin fond du désert de l'Arizona, puis, parce qu'on ne sait jamais, ces saloperies-là pouvant fort bien nous péter à la gueule comme on les a faites péter à la gueule des niakoués, la première centrale dédiée à la production d'électricité est construite en 1954 (pas sûr de la date) en Angleterre, à Hinkley Point. Les matériaux combustibles, le circuit et évidemment l'ensemble de la technologie en sont étatsuniens.
A partir de là, pourquoi réinventer la roue ? L'OTAN prévoit dans ses statuts la collaboration défensive entre pays membres, c'est-à-dire l'échange d'informations d'ordre technologique, et plutôt que de reconstruire en moins bien et en suant sang et eau un système existant, on va tout bonnement récupérer ce qui se fait déjà en l'adaptant un tout petit peu. Et voilà les glorieuses réalisations de la COGEMA sur pied. Mais pourquoi les Etats-Unis bradent-ils bêtement leur savoir-faire ? Pardi, en échange d'un droit de regard sur ce qui se fait dans ce domaine ; ils s'assurent à long terme une mainmise géopolitique totale sur l'usage du nucléaire militaire et civil dans les pays occidentaux. Mais avant de voir comment les responsables du Foreign Office ont été directement responsables de l'explosion d'un magasin Tati en 1986 à Paris, ne résistons pas au plaisir de voir ce bon de Gaulle assurer la grandeur de la France.


Errances gaulliennes et connerie gauloise

En effet, après avoir fait jeter les Algériens à la Seine par son sbire Papon, et avant d'envoyer les CRS matraquer de la chienlit, une des principales préoccupations de Gros-Nez fut de " redonner à la France son rôle premier sur la scène internationale ", c'est-à-dire de faire un peu le kakou au sein de l'OTAN, et surtout de faire construire plein de centrales rien qu'à nous, parce que ça la fout mal d'être doublement dépendant, d'un côté du pétrole des Arabes (pour que les Français puissent allumer leur télé et y comprendre la noblesse de mon sacerdoce politique), et de l'autre de la technologie des Etatsuniens (parce que mon pays est un grand pays, et aussi parce qu'il faut bien que je donne dans l'antiaméricanisme si je veux récupérer un peu des voix des communistes). Dépendance double qui sera d'ailleurs confirmée dans la douleur en 73, mais c'est encore une autre histoire.
On va donc cesser de construire de ces UNGG à la con, qui ne produisent pas grand'chose (1 Mw par mètre cube de cœur) et qui coûtent des tonnes de brouzoufs à mettre sur pied (ça tourne à l'uranium naturel, qui ne contient que 0,7% de fissile, et il faut donc faire des réacteurs immenses), et faire voter par le Parlement-à-ma-botte les crédits pour la mise sur pied d'un vaste parc de centrales REP : Réacteur à Eau sous Pression. C'est une filière très différente, en ce que le combustible est de l'uranium enrichi (produit par EURODIF, qu'on a soin de créer à cette occasion, et qui sera au centre de la magouille avec l'Iran) et le modérateur de l'eau toute simple, mais soumise à une intense pression pour éviter qu'elle ne se vaporise, ce qui lui permet de dépasser allègrement les 300°.
Riche idée, sauf que pour pressuriser de l'eau comme ça, il faut un putain de pressuriseur, et ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Avec ça, y'a la turbine qui déconne, enfin bref, les différents essais français pour développer une technologie indépendante sont à peu près totalement foireux. Si bien que l'on est finalement obligé de recourir à ceux qui savent faire, et je n'ai pas besoin de dire de qui il s'agit. Ainsi, Fessenheim, Dampierre et le reste, soit la vaste majorité du parc électronucléaire français, fonctionne encore aujourd'hui avec des composants également sous licence etatsunienne. Merci qui ?


Allah, la bombe et les otages

On en arrive à la période qui nous intéresse. En 1974, l'Iran et l'Irak se font la guerre, mais Saddam est encore gentil, et c'est à lui que tout le monde vend des armes. Par contre, on aimerait bien rester copain avec l'Iran aussi (le Shah est un vieux pote, et puis on est en plein dans le premier choc pétrolier). Alors qu'est-ce qu'on fait, on lui promet de ces jolies centrales nucléaires qu'on est en train de bidouiller chez nous, et de lui refiler avec ça de notre bel uranium enrichi (parce qu'on n'en trouve pas partout, seulement aux Etats-Unis et chez leurs satellites ; les centrales de l'Est, y compris Tchernobyl, sont de la filière RBMK, qui tourne à l'oxyde d'uranium). Tope-là, cochon qui s'en dédit, l'Iran en guerre prête un gentil milliard de dollars à EURODIF, et on commence les livraisons dans deux ans.
Mais hélas, les Etats-Unis ont vent de l'affaire (ils finissent toujours par savoir), et mettent le holà. Faut pas déconner, nous disent-ils en substance, on vous file des composants qu'on s'est faits chier à développer, et vous, tout ce que vous trouvez à faire, c'est de les monnayer à des péquenots d'Asie Centrale ? Pas bien ça. Pas correct, et nous dirions même déloyal. Songez que nous pourrions mettre un terme à notre collaboration dans divers domaines, par exemple, au hasard, révoquer les accords douaniers ? Hou là là, surtout pas, leur répond-on, plutôt laisser les iraniens à la bougie qu'avoir les marchands de vin dans la rue, hein. Et les exportateurs nucléaires d'atermoyer, et les diplomates de se répandre en paroles rassurantes.
Mais on ne peut pas renvoyer l'affaire aux calendes grecques, on a promis et on a reçu de gros sous, et c'est un grand soulagement pour tout le monde que finisse par survenir, en 79, la révolution islamique. D'ailleurs, une révolution, ça ne se fait pas en brandissant des drapeaux, et le carnet de commandes de la société Luchaire (exportateur d'armes français) est curieusement rempli pour la Perse à la fin des années 70. Déduire de là le soutien au mouvement de Khomeiny par la France sous le patronage des Etats-Unis, ce serait abusivement mettre en doute l'indubitable bonne foi de nos dirigeants de l'époque, Giscard ayant montré dans ses petits arrangements diamantifères avec Bokassa qu'on pouvait lui faire absolument confiance.
Toujours est-il que les ayatollahs, décidément pas cons ou alors raisonnablement mis au courant, renoncent tout de suite à l'idée de recevoir de l'uranium et des centrales, mais réclament par contre le remboursement du prêt, et avec les intérêts s'il vous plaît. Ah ben merde alors : n'oublions pas que les gentils, c'est l'Irak, et qu'oncle Sam verrait d'un mauvais œil qu'on rende leurs sous aux iraniens. Et puis, ils sont agités, ces mahométans-là, ils envoient des libanais (le commando Naccache, obéissant à une fatwa lancée par le spécialiste Khomeiny) essayer de trucider l'ex-premier ministre du Shah (Chapour Bakhtiar) en plein Paris. Ca fait désordre, tout ça. Mais bon, on a autre chose à faire quand on s'appelle Mitterrand et qu'on vient de se faire élire sur des promesses qu'il va bien falloir ne pas tenir. Et puis tiens, on va mettre Dumas aux affaires étrangères, c'est un roublard, il saura les contenir à défaut de les contenter.
Mauvais calcul, mon vieux François : le 22 mars 85, le Hezbollah (" parti de Dieu " libanais, en fait contrôlé par bien sûr la Syrie et donc par l'Iran) enlève nos deux chers diplomates à Beyrouth. Le 22 mai ce sont un chercheur du CNRS (Seurat, qui mourra du cancer pendant sa détention) et un journaliste (Kauffmann, reporter de choc à l'Evenement du jeudi) qui vont croupir dans quelque geôle moyen-orientale. L'année d'après, ce sont quelques joyeux et sanglants attentats à Paris (Hôtel Claridge, Fnac jeunes). C'est la merde tout ça, et Mit-Mit envoie son négociateur de choc, Rouleau. Simplement, il semblerait, comme tout le monde l'a lu dans Le Monde ou dans Libé, que la droite, à peu près certaine de gagner les législatives, aie fait capoter par la surenchère des tractations pourtant bien engagées. Et c'est ici que l'on retrouve notre bon vieux Pasqua, qui trouve dès ce mars 86 une place de choix à l'Intérieur, et provoque par son intransigeance une seconde vague d'attentats (qui font, ceux-là, treize morts). Il me semble logique qu'il aie dû se résigner à cracher de la thune pour permettre à son boss de l'époque de poser sur la photo de la libération des otages trois jours avant l'érection pestilentielle. Et pourtant il le répète : " nous n'avons rien cédé ", " tout s'est passé d'Etat à Etat ".
Cependant on est en droit de se demander à quelles obscures tractations se sont livrés, envoyés par Pasqua, le grand Marchiani (sous le pseudonyme de Stéfani) et le petit Safa (Iskandar de son prénom, un de ces innombrables intermédiaires que la France entretient au Moyen-Orient pour ses ventes d'armes et autres magouilles transfrontalières) à partir de mai 86, et ce qu'ils ont pu en retirer personnellement. Difficile de le savoir, entre Libé qui dramatise comme d'habitude (" livraison d'armes à l'Iran et rançon aux ravisseurs, qui pourrait d'ailleurs provenir des commissions sur les armements " ; " 10 millions de dollars au Jihad islamique ", etc) et Le Monde qui ne veut surtout pas se mouiller (" rien n'atteste pour l'heure le versement d'une rançon "). Quant au Figaro, que je ne lis pas, il se pourrait bien qu'il ne dise absolument rien.

En tous cas, et pour finir, je dirais que la France ne serait plus la France sans sa belle industrie nucléaire, modèle de transparence universellement reconnu, ni sans cette peuplade farouche et fière que sont les Corses, deux constituants inébranlablement constitutifs du célèbre Ridicule français. Aurait-on encore cœur à avoir vécu dans un pays qui ne nous offrirait nulle occasion d'hilarité ?

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Les chroniques de Prešov - n° 3
Pornographie(s)


L'autre jour, au sortir d'une répèt' foireuse (a dix dans une pièce de 12 m² dans la cave d'une maison de campagne momentanément désertée par ses marginaux occupants), après avoir pitoyablement essayé d'enregistrer nos scories musicales collectivistes à l'aide d'un ordinateur vieux de 10 ans et d'un micro de facture protosoviétique, je fus témoin - et l'on peut dire acteur - d'une séance de visionnage intensif de film porno. Sincèrement, ça ne m'était jamais arrivé. On voyait une espèce de chevelu gommeux introduire interminablement sa langue dans un trou du cul anonyme, tandis qu'une immonde blondasse siliconée pompait goulûment son membre noueux, avec force grognements honnêtes et couinements affectés de part et d'autre, le tout sur fond musical insipide et baveux. Les cinq ou six mecs présents devant l'écran ricanaient ostentatoirement, semble-t-il pour masquer l'excitation que provoquait légitimement chez eux la scène. Moi, je ne bandais pas, j'étais plutôt abasourdi.
Je ne trouve pas, a priori, ce genre de film dégoûtant ou choquant (enfin, au moins celui-là, qui constitue, avec la séquence du cinéma dans Seul contre tous, la totalité de ma culture dans ce vaste domaine), mais je m'étonne encore du décalage entre l'ambition avouée de l'œuvre à vocation pornographique (support sinon à branlette du moins à bandaison) et son effet réel sur un spectateur lambda comme moi (vague malaise, perplexité et recul analytique peut-être plus approfondi que pour un film non X). Ca me semble un bon prétexte pour vous livrer pêle-mêle quelques considérations sur ce complexe phénomène économico-socio-psycholotrique.

Dégradation

Le mot " pornographie " vient du grec Pornè, " prostituée ", et de la bonne vieille racine Graphèin, " décrire ". Il s'agit donc, au début, de montrer des putes en action, et si possible de tirer jouissance de cette représentation, tiens, salope ! Là-dessus, tout le monde ou presque est d'accord : pour les curés comme pour (il me semble) une majorité de féministes, " on asservit un peuple plus efficacement avec la pornographie que par des miradors " (Soljenitsyne), l'image de la femme donnée dans les produits pornographiques est " dégradante ", reflète des rapports de domination sociale, ôte tout sens à l'acte d'amour en le coupant à la fois de sa source et de sa finalité, et induit parfois des comportements violents dont les femmes sont victimes.
Idéologie que tout cela ! Evidemment, l'écrasante majorité des consommateurs de pornographie est constituée d'hommes, parmi lesquels existent de véritables déséquilibrés, pour qui Greta la pipeuse ne sera pas une bonne thérapeute ; certes, on représente les femmes comme des tas de barbaque tous juste bons à se prendre des coups de bite ; mais, petit un, si on veut améliorer la situation des femmes, il serait bien plus efficace de prendre des mesures sociales et économiques concrètes (discrimination positive par exemple) que de s'attaquer à de simples images ; petit deux, ça ne me semble pas fondamentalement scandaleux, même sous cette forme réductrice et dévoyée, de donner à voir du plaisir, qu'il soit masculin ou féminin ; et, petit trois, les actrices de films X ou les modèles pour magazines ne sont pas des âmes perdues, et travaillent le plus souvent de leur plein gré dans ce domaine. Elles sont pourtant globalement ignorées ou infantilisées, alors qu'il leur arrive de tenir des discours sur la sexualité, le plaisir ou l'activité féminine fournissant une alternative intéressante au modèle de représentation (masculin) prévalant. Je reconnais volontiers que, dans lesdites prises de position, elles ne montrent pas toujours un fabuleux discernement ; mais elles ont le mérite de s'exprimer sur des sujets traditionnellement réservés au couillon de base quand il va boire un coup avec les potes, de proposer ou promouvoir autre chose les concernant, et parfois d'être entendues, de par la position que leur confère leur activité professionnelle. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose que Brigitte Lahaie se taille un succès littéraire avec Moi, la scandaleuse ou que Tabatha Cash intervienne dans des talk-shows. Plus encore, il me semble très sain que l'on puisse, comme Catherine M avec sa Vie sexuelle, faire un récit circonstancié et objectif de ses expériences sexuelles, alors même que l'on ne dépend pas d'elles pour sa subsistance.
Je crois que l'étymologie et le fait pornographiques renvoient à des problématiques plus larges qu'à celle, superficielle, de l'image donnée de la femme. Il s'agirait avant tout de parler de frustration, et donc de consommation, et donc d'économie.

Cachez ça !

En effet, dans la pornographie, la caractéristique du corps nu est d'abord qu'il se refuse comme sexe. On peut voir, imaginer, écouter, mais justement pas toucher/sentir (quoiqu'un futurologue anglais nous promette l'orgasmatron pour 2012) : le corps en représentation mime la sensualité en sexualisant l'image. En fait, il s'agit fondamentalement de regarder, mais on fait plus que regarder, on en retire de l'excitation sexuelle fantasmatique. Certes, " on voit tout ", mais ce " tout " n'est qu'un succédané du réel : par exemple, la vision en gros plan d'organes génitaux a pour fonction revendiquée la restitution du réel avec une promiscuité maximale, mais d'un réel à mon avis incomplet, où l'acte est complètement décontextualisé et réduit à une mécanique linéaire.
C'est une évidence que la pornographie dépoétise, et c'est aussi l'argument brandi par moult chrétiens, avec ceux de l'accoutumance à la perversion voire de l'encouragement à l'adultère, pour agiter frénétiquement leurs petits ciseaux ; on peut ainsi lire sur le web des perles comme " la censure est un droit fondamental de la société, c'est le droit aux familles d'être protégés contre l'agression verbale et par l'image ". En fait, il est préférable de censurer, n'est-ce pas, puisqu'ainsi on rendra à la femme toute sa dignité - ceux qui expriment cette idée étant dans leur écrasante majorité des hommes, croyants et conservateurs qui plus est, et donc évidemment les mieux positionnés et les plus qualifiés pour contribuer à l'émancipation de la femme.
Mais il me semble que, de toutes façons, la censure ne protège en rien la société ou les familles, ne faisant que délayer les conséquences inévitables de la publication (plus que la liberté d'expression, c'est la possibilité de s'informer qui je trouve primordiale : je suis pour la distribution illimitée de Mein Kampf). Plus encore, elle vient servir les intérêts même de l'industrie du sexe que ceux-là veulent pourfendre.

L'endroit où l'on voit

Comment ça ? Il est clair que la pornographie a toujours constitué un marché d'envergure, sachant utiliser les innovations technologiques à son profit, depuis les premiers daguerréotypes de modèles grassouillets que l'on achetait à prix d'or au XIXe siècle jusqu'à la création de Playboy en 1953 (au moment de l'essor de la presse " grand public "), voire aux larges réseaux de distribution aujourd'hui omniprésents sur le web (dont le fonctionnement est, soit dit en passant, très similaire à celui de la production musicale : quatre ou cinq multinationales ultra-dominantes qui rachètent systématiquement tout petit label rencontrant un début de succès). Mais il faut surtout comprendre que, plus que dans le produit en tant que tel, c'est dans le support médiatique, ou si l'on préfère dans le canal de distribution, que réside la valeur objective.
Par exemple, soit une photo d'une main féminine recouvrant un pubis également féminin : selon que l'image paraisse dans une revue pour jeunes quiches, dans un opuscule crypto-chrétien ou dans un magazine d'art, elle pourra revêtir le sens d'un appel au contrôle et à l'épanouissement de sa sexualité par la masturbation, d'une illustration de la dépravation ambiante, ou enfin d'une possible représentation de la pudeur. Citons aussi le cellophane dans lequel les publications hard sont emballées, qui suggère que leur contenu est réservé à un public très restreint et exerce un indubitable pouvoir d'appel. On voit bien que la valeur monétaire d'une image dépend en premier lieu du sens qui lui est accordé par son consommateur potentiel : plus c'est interdit, plus c'est excitant, et plus on sera prêt à payer cher. Les gens se sont rués pour voir Baise-moi à partir du moment où il était question que ce film soit classé X, et, encore plus fort, la menace d'interdiction a constitué l'argument principal de la promotion d'un film coréen du même genre (la pub dans Libé disait littéralement " allez vite le voir avant qu'on le censure ").
C'est pourquoi les producteurs ont plus intérêt qu'autre chose à voir des restrictions apportées à la diffusion de matériel pornographique. Je crois que les je ne sais pas combien de milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel générés par ce commerce fondraient comme neige au soleil si les sociétés étaient idéalement permissives. Ce qui n'est bien évidemment qu'utopie, le couple production pornographique/ordre moral étant indispensable au maintien des individus dans un état d'irresponsabilité.

Sexe utilitaire

Je m'explique : c'est une évidence que la " loi du marché ", c'est-à-dire celle de l'offre et de la demande, régit la presque totalité des échanges humains, y compris la vente et l'achat de films ou magazines de cul. Et le premier mécanisme de développement d'un marché, c'est la nouveauté, qu'elle soit réelle ou seulement perçue : il est difficile de faire payer quelqu'un pour ce qu'il a déjà. Donc, l'image pornographique a une durée de vie commerciale limitée (son attractivité s'émousse avec le temps et la répétition : un film mettant exclusivement en scène des éjacs faciales lasserait rapidement son spectateur), et doit comporter des éléments porteurs de nouveauté, ou mieux encore, d'exotisme, de rareté ou d'exception. L'invraisemblable, l'inattendu, l'improbable, l'impossible, sont ainsi des ingrédients habituels de la pornographie.
Et voilà la différence avec la pub, que l'on s'empresse bien souvent de trouver " pornographique " : en publicité, dénuder ajoute de la valeur au produit que l'on doit vendre (même à un niveau langagier : il arrive que l'on voie des pubs mettant en scène du méta-érotisme, comme celle remarquée récemment pour une voiture française, où l'on voit, de dos, une infirmière penchée sur le capot ouvert du véhicule, et où la légende indique " (…) les meilleurs instruments de précision ", assertion renvoyant en réalité au cul du modèle qui, le premier, attire le regard) ; en pornographie, le corps ne vaut rien et peut même devenir objet de dégoût, il y a dans l'image des traits symboliques spécifiques qui renvoient à la motivation du spectateur (transgresser l'interdit ou accéder à une sexualité perçue comme étant de meilleure qualité que celle qu'il a d'ordinaire). Les femmes y sont systématiquement sexuelles et ne demandent pas de sentiments, ce qui a une réelle valeur commerciale dans une culture qui, comme la nôtre, valorise l'engagement.
Si le consommateur de pornographie achète cassettes ou magazines, il achète surtout, en dernière analyse, le droit de ne pas avoir à séduire pour voir un corps féminin ; le droit de ne pas avoir à être performant sexuellement pour obtenir du sexe ; le droit d'être quelqu'un de différent de la majorité, sans être sexuellement rejeté ; le droit de ne pas être un modèle, et de quand même sentir qu'on considère son sexe assez pour le faire jouir ; en bref, le droit, illusoire et temporaire, de ne pas devoir jouer à être cet homme que la société souhaite. C'est-à-dire essayer d'échapper à l'enfermement entre une sexualité mal assumée et les exigences multiples du stéréotype masculin générique, ce qui est en fin de compte pas mal adolescent. La pornographie joue donc un rôle très précis dans l'organisation sociale, celui de soupape de sécurité : qu'adviendrait-il si le déviant vivait sa déviance au grand jour ? Bien vite, la pratique assumée d'une sexualité différente le conduirait à assumer aussi ses idées critiques sur l'organisation sociale, et ainsi à se radicaliser et à agir - et adieu, impôt sur le revenu, cabinets ministériels, collège unique, marchés publics, communautés urbaines, adieu. Mais ne rêvons pas trop.

Pour conclure, je dirais qu'il me semble absolument vain de lutter contre la pornographie, qui est une réalité sociale inaliénable, d'autant plus prospère ou proliférante que l'on cherche à la circonscrire à coups de credo (cf. l'actuelle explosion du marché du sexe aux Etats-Unis, due à la vague de puritanisme patriotique impulsée par benêt-grandes-oreilles et les vilains lanceurs d'avions). Si réellement on souhaitait éradiquer ce phénomène, on nous laisserait un peu plus choisir à quoi on souhaite ressembler : sans demande, plus d'offre, et la demande de pornographie n'est, comme on l'a vu, que le produit de l'intense pression normalisatrice qu'exerce la société sur les individus. Et vivent les femmes nues.

Et où est Ben Laden ?

Parce que ça me passe par la tête, et pour distraire un peu de cette chronique aussi rébarbative qu'incomplète (je n'ai par exemple rien dit sur la pornographie homosexuelle et l'inégale valorisation selon la catégorie de contenu qui y est la règle), je vais vous révéler un grand secret : je sais où est Ben Laden. Il habite depuis près d'un mois dans les gorges de Pankissi, qui sont, avec certains états sud-américains ou la plus grande partie du territoire russe, un des endroits les plus chauds de la planète. Cette région, encore plus abondante en caches naturelles que les montagnes d'Afghanistan, se trouve sur le territoire géorgien, à la frontière avec la Tchétchénie. Les autorités n'ont aucune espèce de contrôle sur ce qui s'y passe, il y a bien des troufions sensés patrouiller, mais 95 % d'entre eux sont complètement fracassés. Le coin est en effet LA plaque tournante pour l'opium et l'héro d'Asie centrale, qui vont traverser la Géorgie et la Turquie avant de venir défoncer dans nos campagnes. On y a remarqué un nombre étonnant de femmes en burqa, alors que les réfugiés tchétchènes qui y résident aux côtés d'un impressionnant aréopage international de délinquants sont plutôt praticiens d'un Islam soft.
Du coup, l'arrivée d'un détachement Etatsunien y est imminente. Qui c'est qui est content, c'est les Russes, qui trouvent là une double justification de leur génocide organisé en Tchétchénie et de leurs visées colonialistes sur Caucase, ils en oublient les jeux olympiques. Qui c'est qui n'est pas content, c'est les Géorgiens, qui ont déjà bien assez mal à la souveraineté avec les quatre bases russes installées sur leur territoire. Enfin, si j'étais un peu plus téméraire, j'irais bien y passer un peu de temps, histoire de rigoler un brin en voyant les vaillants marines se faire dépouiller jusqu'au slip.

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